Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L' Atelier des photographes du XIX siecle
6 juin 2020

Le Peintre William TURNER et Calais

  • La Plage de Calais

Joseph Mallord William Turner est un peintre, aquarelliste et graveur britannique, né le 23 avril 1775 à Londres et mort le 19 décembre 1851 à Chelsea. Initialement de la veine romantique anglaise, son oeuvre est marquée par une recherche novatrice audacieuse qui fera considérer celui que l'on surnomme le «peintre de la lumière» comme un précurseur de l'impressionnisme, avec son contemporain John Constable.

Plage de Calais à marée basse, « poissards » ramassant des appâts
Huile sur toile 1830
68,8 x 103,8 cm –
Bury Art Museum, Greater Manchester

Sur la plage de Calais, la mer se retire. Les femmes de pêcheurs se courbent à la recherche d'appâts. Le blanc éclatant de leurs jupons souligne que la plage est baignée d'une lumière claire et limpide, filtrée par des nuages à peine gris qui relaient le bleu du ciel avec un léger halo humide.

Quelle heure-t-il est-il ? 11 heures du matin ? 3 heures de l'après midi ? Pourtant, lorsque notre regard se porte au loin, vers le ventre de la mer, nous voyons un soleil qui se couche, laissant l'obscurité advenir. A gauche, une irradiation bleue se scande d'une maison sur pilotis dont l'ombre s'étend à contre sens de la marée. A droite, l'obscurité qui avance révèle le bleu de derrière les nuages.

Par son flamboiement orangé, le soleil couchant semble livrer un dernier combat, de plus en plus enfermé, de plus en plus enserré dans un défilé de parois bleues. Mais son combat est perdu d'avance de par notre indifférence. Car au final l'œil est tiré vers le premier plan, sur la droite, vers cette masse pourpre et brune que l'on se dit être un grand panier de pêcheur. Et notre œil se retrouve à circuler entre ce panier et la maison au loin chargée d'ombre bleue, via la femme courbée au premier plan.

De quoi ce tableau est-il l'image ? Il est impossible de répondre immédiatement. Peut-être il y la fusion de deux images, la plage en journée, la plage au couchant. Turner, annonçant Picasso ?

Laissons là les images conventionnelles censées représenter le monde. Considérons les quatre signes dont les vibrations lumineuses se propagent à travers le tableau. Nommons ces signes picturaux "signes vibratoires" :
- le signe vibratoire "femmes en jupon blanc à la marée basse"
- le signe vibratoire "obscurité bleue qui déroule son flux montant"
- le signe vibratoire "soleil orangé disparaissant"
- le signe vibratoire "panier pourpre s'imposant de son immobilité massive".

L'équivalence symbolique entre l'humanité et le soleil est comprise immédiatement. L'autre équivalence demande l'empathie du spectateur pour le contexte : une maison au loin, un panier tout près. Turner construit une correspondance entre deux signes, entre le présent du panier massif mais encore vide, et l'avenir de la maison chargée d'ombre bleue. Il y a mise en scène de la rencontre entre la vibration puissante du panier qui attend et la palpitation bleutée de l'ombre de la maison qui se dégage au dessus de la plage. Ici, mobilisons l'équivalence femme = maison.

Quelle est la signification de cette palpitation bleutée, de cette maison-femme-ombre bleue ?

Tous disent de Turner : c'est le peintre de la lumière et de ses jeux chromatiques. Oui ! Mais il y a autre chose dans les tableaux de Turner. Il s'agit de la pensée qui au présent anticipe l'avenir. Dans notre regard mental, un signe - une vibration - part d'une source proche et se propage sur le monde. Mais du monde, de l'avenir, arrive en même temps un autre signe - une autre vibration. Dans notre esprit, ces signes - ces vibrations - s'affrontent et se tissent simultanément. Une pensée en surgit.

Quelle est la pensée des femmes de pêcheurs, au moment où la mer se retire de la plage ? C'est une pensée de la performance à faire : "Au coucher du soleil, lorsque l'obscurité amènera sa marée, aurons nous recueilli dans le panier un nombre suffisant d'appâts pour nos maris ? Le panier sera-t-il rempli autant que la maison au loin sera chargée d'ombre ? ". C

Turner donne à voir la pensée de ces silhouettes à peine visibles, toutes courbées. En effet, le tableau nous fait détourner notre regard de la dramaturgie évidente du soleil couchant pour ailler détailler, sur la droite du tableau, les femmes au travail, et nous sommes étonnés qu'il y ait foule. Le temps est compté, alors le nombre fait la force.

Au fait, que disait Picasso ? "Ce n'est pas l'escalier qu'il faut peintre, mais ce que l'on pense en montant l'escalier". Turner, Picasso ..tous les grands peintres peignent la pensée, ses inquiétudes, ses terreurs, ses espoirs, ses joies, ses amours, ses jeux. Et inventent de nouveaux signes.

Epson_26052020164006

Epson_18062020160647

Premier jour le Vendredi 19 février 2010
Retiré de la vente le Vendredi 26 novembre 2010
Valeur faciale : 1,35 € Voir les tarifs au 21 février 2010
Format image: 48x36,85 mm - Dimensions totales: 52x40,85 mm
Couleur : polychrome
Imprimé en héliographie à 30 timbres par feuille
Émis à 2 millions d’exemplaires - voir les tirages de 2010

Né à Covent Garden dans un milieu modeste (son père est perruquier), le jeune Turner fait son apprentissage chez un dessinateur et paysagiste, Thomas Malton, qui lui enseigne la perspective ; puis, tout en intégrant la Royal Academy dès l’âge de quinze ans, il commence à travailler dans l’atelier de John Raphael Smith. C’est là qu’il effectue deux rencontres décisives, celles de Thomas Girtin et du docteur Monro. Girtin est son compagnon de jeunesse (ils sont nés la même année), de recherche et de voyage ; les deux amis se stimulent réciproquement, et évoluent rapidement vers un style personnel original. Turner possède une mémoire visuelle phénoménale : de retour chez lui, il est capable de reproduire une estampe qu’il a vue en ville, et avec les couleurs !

En 1802, la paix d’Amiens lui permet de se rendre, pour la première fois, sur le continent. Il a alors vingt sept ans. Vers le 17 juillet, une traversée mouvementée l’amène à Calais où il débarque « presque mort ». Il est en route pour l’Italie puis Paris (le Louvre). Il y est touché par Rembrandt et, surtout, par Poussin et ses effets de lumière et de couleurs. L’année suivante, il expose à Londres la première de ses œuvres à avoir acquis la notoriété « Calais Pier, French Poissards preparing for sea ».

Jusqu’au début des années 1820, Turner reste un très beau peintre de tradition classique, un maître de l’aquarelle et du paysage. Mais son style évolue ensuite vers ce qui fait de lui un artiste à part pour la postérité, et un précurseur des Impressionnistes. S’il est aujourd’hui l’un des artistes anglais les plus admirés, il finit oublié et passe ses dernières années incognito à Chelsea.

Il est certain que Francia l’a bien connu du temps de leur jeunesse, puisqu’ils fréquentaient les mêmes cercles londoniens et avaient des amis communs, par exemple les artistes de l’Académie du docteur Monro à laquelle ils participaient tous deux. La tradition évoque leur rencontre par hasard à Exmouth lors d’un voyage. Elle suggère également qu’ils se sont revus par la suite, en France. Comment imaginer que Turner ait débarqué à Calais dans les années 1820 et n’ait pas rendu visite au passage à son ancien collègue ? Peut-être même a-t-il logé chez lui, car il n’est pas enregistré dans les hôtels calaisiens. Ils ont en commun l’aspect négligé, les manières frustres, le caractère bourru et le goût d’une existence discrète, consacrée à leur art. Turner serait-il le personnage peint par Francia sur l’aquarelle « La plage près de Boulogne-sur-Mer » (c 1822) ? Bien que cela semble improbable, il n’en reste pas moins vrai que les deux artistes ont eu souvent l’occasion de peindre ensemble.

Turner est un infatigable voyageur. Lors de ses déplacements, il emporte toujours avec lui un carnet sur lequel il couche quantité d’instantanés saisis en quelques traits rapides – on en conserve plus de 20 000 !

(Texte de Philippe Cassez)

 

 

Publicité
Commentaires
L' Atelier des photographes du XIX siecle
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Visiteurs
Ce mois ci 685
Depuis la création 694 803
Newsletter
42 abonnés
Publicité